En selle!
10 novembre - Shawinigan, QC
Doux atterrissage
De retour en terres canadiennes depuis peu, une ré acclimatation s’impose.
Émotions et satisfaction nous avons ressentis en atteignant la frontière argentine, tel était notre pays de destination finalement. La terre de feu, le lieu à l’extrême sud du continent, ce sera pour une prochaine épopée.
Un doux retour, ou plutôt un atterrissage moderne dans notre monde occidental. Une année entière de vie, de grande intensité, pour nous rendre jusqu’en Argentine. Un aller où le temps était dicté par le rythme de nos pédales.
Le retour nous sembla alors irréel, futuriste. 12 heures d’avion et nous revoilà à ce même point de départ. Le décalage n’étant pas celui des fuseaux horaire mais plutôt celui d’une autre réalité.
Notre réalité, cette dernière année, était constituée de nos vélos comme moyen de propulsion, et de la découverte humaine, comme carburant. Retour à l’essentiel, d’où les questions quotidiennes consistaient à se nourrir, se loger. Tout en se déplaçant raisonnablement, selon ce que notre énergie nous permettait.
Retrouver un monde sédentaire où l’eau chaude, l’électricité, les réserves de nourriture et l’automobile sont la norme. Où le temps pressent, puisque la vie est telle une course sans but. Où la consommation, les apparences, l’argent, la possession règnent.
Le vrai choc du retour ce n’est pas cette dualité opposée entre ces deux réalités. C’est plutôt de digérer, d’absorber, et de reconnaître cette vague d’humanité que nous avons reçue au cours des derniers mois.
Côtoyer le partage, la bonté, la générosité, l’aide, le tout dans une simplicité et une spontanéité bouleversante.
Voilà que nous effectuons ce doux atterrissage suite à cette fascinante aventure humaine. Le baume au coeur, l'amour de la famille et des proches permettant d'adoucir le tout, et de revenir à une autre forme d'essentiel.
J & J
" Tout homme est tiraillé entre deux besoins. Le besoin de la pirogue, c'est-à-dire du voyage, de l'arrachement à soi-même, et le besoin de l'arbre, c'est-à-dire de l'enracinement, de l'identité. Les hommes errent constamment entre ces deux besoins en cédant tantôt à l'un, tantôt à l'autre, jusqu'au jour où ils comprennent que c'est avec l'arbre qu'on fabrique la pirogue "
Mythe mélanésien de l'Ile de Vanuatu
13 octobre - Jujuy, Argentine
Aux frontières du capable
Respiration courte, haletante. Coeur battant jusque dans les tempes. Un vent si puissant qu'il est impossible de s'entendre respirer. Efforts soutenus, à effleurer l'insoutenable.
Se convaincre que nous pouvons y arriver. Mais le doute est envahissant, son emprise alourdit les jambes et coupe le souffle. Gorge serré, larmes au coin de l'oeil. Ce n'est surtout pas le moment d'abandonner, dans un lieu si désolé à cette heure, nous sommes les uniques responsables et acteurs de nos décisions.
Nous progressons si laborieusement qu'il me paraît tout aussi efficace de pousser le vélo. Ou plutôt mes capacités réduites ne me permettent plus de pédaler. Serrer les dents. Continuer à avancer comme unique option. Le chemin est dans un état lamentable : sable , pierres , crevasses. Tout est réuni pour compliquer notre lente progression.
Après plus de 350 jours sur la route, les situations compliquées, difficiles, ardues ont été plus que nombreuses. Nous croyions avoir atteint nos limites, tant physiques que mentales.
Et bien, en cette fin de journée sur l'Altiplano bolivien, nous étions des novices, des débutants. L'exigence du dépassement nous obligeait de nouveau à entrer dans des zones inconnues.
Vers 2H pm, nous débutons l'ascension d'une vingtaine de kilomètres jusqu'au passage s'élevant à 4 990 mètres. Une altitude encore jamais atteinte à deux roues
Des rafales à 70 km/h, nous fouettent le visage et bousculent notre équilibre. Un froid glacial s'installe, sous 15 degrés, jumelé avec l'obscurité tombante.Mains et pieds deviennent insensibles. Perchés sur cette route de terre, pétrifiés par le vent, le froid, la souffrance physique et la fatigue mentale, quelles sont nos solutions ? Entamer la descente puisque risqué, voir impossible, de camper dans un tel climat inhospitalier.
Un foudroyant rappel de notre vulnérabilité face à la force des éléments.
Continuer à se convaincre que l'ont doit progresser, avancer. Ce n'est plus une option. Surpasser ce qui nous semblaient être nos limites. Laisser-aller ton corps et ton esprit dans un état méditatif, un état de transe.
Les éléments déchaînés ne semblent plus nous importunés. Nous avons 25 km à parcourir de nuit jusqu'au prochain refuge. Il n'y a aucun doute que notre force commune nous permettra d'y arriver. Vers 8H30 du soir, nous entrons épuisés dans un chalet où le gardien nous accueille incrédule.
Une fois le corps apaisé et l'esprit tranquillisé, on se questionne jusqu'où pourrait être la destination suivante. Qui à ce jour nous paraît inaccessible mais qui devient réalité une fois atteinte.
La frontière Argentine se dessina sur notre chemin quelques jours plus tard. Fortes émotions après cette année de vie sur le vélo, où les frontières ne représentent plus de réelles limites.
"L'enveloppe charnelle qui nous constitue n'est qu'une limite physique au potentiel infini de la force mentale, de l'imagination de la création" Jansen S.
J & J
5 septembre - Chacas , Perou
Fascinations andines
Parcourir la Cordillère des Andes grâce à la douce lenteur que procure le vélo permet de s'enivrer de cette exhaustive culture.Traditions, connaissances et pratiques constituent une richesse éblouissante précieusement conservée dans ces altitudes andines.
Dans le sud équatorien, nous restons fascinés par l'harmonieux mode de vie des habitants des montagnes. Les limites géographiques avec des dénivelés et des façades abruptes ne provoquent aucun obstacle. Dans des lieux improbables tant ils paraissent inaccessibles, se trouvent, dissimulés, des champs de maïs, de quinua, de blé. Nul besoin de spécifier qu'en présence d'un tel défi géographique seul le labour humain ou animal est utilisé.
Rencontre spontanée avec un groupe de la communauté indigène Quishua à l'oeuvre dans les champs. Sur un pan de montagne abrupte s'élevant à 3 400 mètres, nous observons ce qui nous paraît comme des boules de paille en mouvement. Voilà comment les tracteurs, ici, sont remplacés par la force humaine.
Le blé sec est coupé manuellement puis regroupé en botte. Puis, petits et grands, selon leur âge, fixent une impressionnante charge sur son dos pour la descendre sur la distance nécessaire. Admiratifs et intrigués, on se propose à la tâche. Une fois de plus sur ce voyage expérimental, nous recevons une nouvelle leçon d'humilité. À côté de ces prouesses laborieuses, notre ballade à vélo est un jeu d'enfants.
Nous poursuivons cette épopée andine en arrivant au nord du Pérou. Sans tarder, nous optons pour des routes peu fréquentées où une vie traditionnelle se dévoile. Habitations en terre, chaux et bois, avec jardin, champ et troupeaux de vaches ou de moutons constituent l'espace de vie de maintes familles. Des femmes en train de filer la laine, en même temps d'observer les moutons sur un pâturage éloigné, une vision quotidienne démontrant un précieux savoir.
Pour se pousser ainsi que par soif d'approfondir notre quête de réel, nous empruntons un chemin de terre traversant plusieurs vallées pour atteindre la Cordillera Negra. Lorsque j'écris chemin, c'est que le terme route ne convient pas.
Ainsi, nous sommes confrontés à la rigueur des éléments pendant 2 jours et demi où nos limites furent repoussées dans des zones encore inconnues. Pour tout dire, nous avons douté de nos capacités à atteindre la destination désirée.
Culminant à un sommet de 4 250 mètres, où la végétation est de type pampa, nous rencontrons le matin du dernier jour une famille (!) Une femme à la marche avec son bébé sur le dos, ainsi que son garçon d'à peine 4 ans à ses côtés. Elle dirige 3 ânes chargés. Son mari est sur un cheval , en contre-bas, et guide un troupeaux de vaches.
Ils habitent juste en haut nous dit-elle et se rendent au village pour faire les courses et vendre leur récolte. Le village en question est situé à 35 kilomètres avec ascensions trépidantes. Nous avons mis 8h à vélo. Leur maison en matières naturelles s'érige seule à des kilomètres à la ronde, face à la dureté et la splendeur de cette élévation andine.
Sincère admiration et profond respect. Nous sommes subjugués. Sans mots avec seuls nos regards contemplatifs. On les observe gambader, dans cette traversée ardue qui s'avère une pratique commune pour cette remarquable famille. Ultime leçon de vie.
J & J
30 juillet - Banos , Équateur
Le monde à vélo
Sur ton vélo, le monde te paraîtra accessible, hospitalier, aimant. Les frontières deviendront des moments, des récits, des souvenirs. La carte du monde se transformera en mosaïque de visages.
Sur ton vélo, sourires, regards, gestes, cris, odeurs te seront transmis. Tu apprendras à recevoir, sans rien demander, sans rien attendre ni espérer. La bonté humaine sans frontières t'émouvra, te bouleversera.
Sur ton vélo, tu partageras, constamment, à tous instants. Tu partageras l'immatériel, l'intangible, l'invisible. Et tu en resteras profondément marqué.
Sur ton vélo, tu deviendras citoyen du monde, nomade, explorateur. Les éléments et Mère Nature guideront ta route, pour que ton pas soit engagé, déterminé. Ton regard s'aiguisera, ta vision s'affinera, ta pensée se développera et ton âme s'élèvera. Tes idéologies et préconçus seront questionnés et confrontés.
Sur ton vélo, tu découvriras toutes les beautés qui se cachent entre le prévisible et l'imprévisible. De ta zone de confort, les limites seront constamment repoussées. Débrouillardise, lâcher-prise et acceptation tu apprendras. Se savoir dépendant des gens et vulnérable face aux éléments.
Sur ton vélo, une nouvelle dimension du temps tu expérimenteras. En selle, l'espace devient notre seule et unique montre. Tes repères temporels seront confrontés au pouvoir de la propulsion humaine.
À vélo, tu te découvriras, tu te surpasseras. Tu apprendras à aimer sans relâche, sans limites.
Le voyage à vélo t'apportera beaucoup plus que ce dont tu imaginais.
Sur ton vélo, tu rends hommage à la vie et l'humanité te sourit en retour.
Il ne faut qu'oser monter sur son vélo …
J & J
17 juillet - Popayan, Colombie
Le salaire de l'effort
Le vélo est un moyen efficace de se déplacer. Selon le contexte et l'endroit , l'efficacité peut s'avérer quelque peu diminuée. En effet, une belle route d'asphalte en bord du Danube ou de la Loire n'offre pas le même défi qu'un chemin chaotique traversant la Cordillère des Andes. Cependant, le résultat est similaire.
Se déplacer grâce à la propulsion humaine d'un point A à un point B, avec la grande satisfaction qui accompagne l'investissement physique. C'est l'exigence qui vient différencier l'effort entre une route plate sans vent et une route de col pluvieuse. Le dépassement de soi joue un rôle primordial.
Mais le caractère imprévisible d'un chemin de terre peu peuplé bouleverse les repères d'une route passante avec son lot de restaurants, épiceries…L'approvisionnement de nourriture à vélo est un indispensable comme mettre de l'essence dans sa voiture.
S'aventurer entre la vallée de Neiva et celle de Cauca, fut une remise en perspective du voyage à vélo. Progresser à 7 km/h dans la poussière, la chaleur, puis dans le froid, l'altitude et la pluie, pousse le corps dans des zones inconnues. Le mental est mis à rude épreuve.
Cet inconfort de ne pas contrôler les éléments environnants dans une société d'exactitude, où le GPS indique à la minute près l'heure d'arrivée. Cette traversée de la Cordillère andaise fut tout d'abord une bataille contre soi-même. Un duel entre le possible et l'impossible, entre le capable et l'incapable.
Cette incertitude devient un défi, que la volonté combat à chaque coup de pédale. La capacité humaine à passer par dessus un obstacle est presque sans limite, seule la limite de l'esprit vient mettre une barrière.
C'est ici que vient la récompense, le salaire de l'effort. L'expérience acquise dans des moments pénibles, difficiles n'a pas de prix. Cette expérience m'a rappelé une phrase que mon père m'a apprise :
"Ils n'y a que ceux qui n'essayent pas qui ne se trompent jamais"
J & J
1 er juillet - Zipaquira, Colombia
Près de la terre, près du coeur
Une autre fin de journée sur les vélos signifie la recherche d'un lieu où camper pour la nuit . Nous avons la veille décider de changer l'itinéraire pour une route secondaire davantage tranquille qui sillonne la campagne colombienne. Par hasard, on s'arrête devant une pépinière de cacaotiers où la beauté des plantes capte notre attention.
L'instant suivant, nous sommes accroupis dans cette pépinière à apprendre comment exécuter la greffe de cet arbre tropical. Les propriétaires, Patricia et Evelio, nous invitent à passer la nuit chez eux : on accepte sans hésiter ! Demain matin, ils partent à la visite d'une ferme-plantations de cacaotiers dans les montagnes. Ils nous proposent de les accompagner.
Debout à 4H30 du matin, nous partons à peine le jour levé , la rosée matinale dominant le décor. Le chemin de terre emprunté sur plus de 3H de conduite donne de la difficulté au 4X4 utilisé tant les dénivelés sont intenses. Après le passage de plusieurs crêtes de montagnes ainsi que de lits de rivières, la route s'arrête. Un panorama phénoménal, dévoilant montagnes et vallées avec quelques maisons posées sur des flans éloignés.
La marche débute, manguiers, limoniers, goyaviers et orangers, rythment nos pas et nos pauses durant l'heure qui suit.
Une chaleureuse maison en bois apparaît sur une des uniques sections plane des environs. Encerclée d'un potager d'un poulailler, d'animaux , de fleurs, d'arbres fruitiers, de plantes médicinales, de canne à sucre, le lieu dégage paisibilité et harmonie.
Toute la famille nous accueille et on se retrouve vite à table. Tous les produits du repas, soit oeufs, bananes plantains, yuka, fromage frais , chocolat chaud (lait frais et cacao !), sont produits à même leur terre.
Aussitôt ce délice terminé, nous partons avec Auriel, le père de famille, découvrir leurs plantations. Un sentier abrupte s'élance vers une ascension escarpée. Les cacaotiers et avocatiers s'élèvent sur de multiples facettes de montagnes . Ces deux espèces croisent en symbiose, l'avocatier offrant l'ombre nécessaire au bon développement du cacaotier.
De la plantation, à l'entretien jusqu'à la cueillette des fruits, l'entité du travail est effectué manuellement. Les fèves de cacao sont séchées et torréfiées sur place, puis acheminées à dos d'âne au début de la route pour être vendues. Il y a plus de 40 ans, Auriel et quelques compagnons découvrirent ces vierges montagnes.
Au fil de ces décennies d'efforts et de travail, sentiers, installations et plantations se sont développés. Des pionniers d' un mode de vie sain et respectueux de l'environnement. Il n'existe ni surconsommation, ni gaspillage, ni déchets. Tout est réutilisé, recyclé, récupéré. Sans se prétendre autosuffisant, il vivent simplement en récoltant ce qu'il sème !
Émus, choyés et privilégiés de découvrir cette noble forme d'existence dans cet endroit d'exception. Une famille admirable, d'une générosité sans limites, sachant reconnaître les bienfaits d'une vie en interdépendance avec les éléments.
Une vie où la plénitude de corps et d'esprit est maître.
Tous ceux ayant voyagés savent qu'une fameuse question accompagne souvent les aurevoirs : quand allez-vous revenir ? Difficile à expliquer, mais nous avons le profond sentiment, cette fois-ci, que nous reverrons un jour ces gens et cette terre.
L'ascension de retour nous permet de digérer et de méditer sur cette bonté humaine et cette splendeur naturelle.
J & J
Il nous faudra répondre à notre véritable vocation, qui n'est pas de produire et de consommer jusqu'à la fin de nos vies, mais d'aimer, d'admirer et de prendre soin de la vie sous toutes ses formes - Pierre Rabhi
20 juin - Cimitarra , Colombia
Une rencontre inattendue
Arrivés dans la région de l'Atlantique, au nord-ouest de la Colombie, nous décidons d'aller explorer les montagnes qui surplombent la côte près de Santa Marta. Le climat colombien est chaud et humide, propice à la culture du café et du cacao.
Nous nous aventurons dans les hauteurs à la rencontre de producteurs potentiels dans le coin de Minca. Nous savons que les environs sont touristiques et nous ne voulons pas faire les visites guidées proposées. Cela tombe bien, les propriétaires de l'auberge où l'on passe la nuit nous indiquent qu'il y a, à vingt minutes de marche, des plantations de café.
Malgré la pluie qui commence, nous tentons notre chance et partons sur un sentier qui pénètre dans la forêt tropicale. Nous sommes contents de pouvoir partager la beauté et la densité de ce type de végétation en compagnie de mes parents.
Nous arrivons à une maison retirée au bout du sentier. Le chemin s'efface et nous continuons d'avancer à la vue des premières plantes de café.
Là, nous entendons une voix sans apercevoir personne, puis cet homme, Gerardo, fait son apparition. Il nous indique le chemin pour se rendre jusqu'à lui. Puis, nous offre une visite passionnée du domaine familial où il a grandi et où il travaille la terre à sa manière.
Sur ces pans escarpés, poussent en harmonie, plantes de café, avocatiers, bananiers, manguiers, diverses tubercules, plantes médicinales, et tant d'autres que je ne saurais nommer…Le lieu est féerique.
Notre enthousiaste cultivateur explique que les plantes de café ont besoin d'ombre. La présence d'arbres permet d'abriter le café du soleil tropical ainsi que garder une humidité propice à sa croissance. Il nous propose d'aller boire le café de sa dernière cueillette, nous acceptons avec grand plaisir.
Nous passons devant la maison de ses 2 travailleurs, puis arrivons à sa maison, simple et modeste où le feu de bois est prêt pour chauffer l'eau.En buvant son élixir arabica, il nous explique le processus de la plantation jusqu'à notre tasse. Toutes les étapes sont réalisés à moins de 50 mètres de son habitation.
Contrairement à d'autres producteurs qui vendent le café vert, Gerardo s'occupe de tout. Sécher les grains, à l'aide une machine alimentée au bois, décarcasser ainsi que torréfier les grains. Il produit donc de petites quantités, mais la qualité est primordiale pour cet écologiste qui est conscient de l'impact de l'agriculture intensive sur l'environnement.
Une simple marche qui s'est transformée en découverte d'un homme hors du commun, Gerardo, qui a prit en mains la terre de ses ancêtre pour en faire un paradis végétal où les produits chimiques non pas lieu d'être.
J & J
" La terre est, pour l'homme qui la cultive, la source de toute vertu et de toute liberté "
Ménandre IV s AV JC
10 Juin - Santa-Marta, Colombia
Voyager différemment
De duo à quatuor, les 3 dernières semaines ont été particulièrement atypiques et enivrantes pour Sème en Selle. Nous avons eu l'opportunité de partager notre passion du voyage à vélo avec les parents de Jansen, Alain et Nadine.
Voici les pensées de cette dernière, suite à son expérience colombienne à deux roues :
Malgré ses aspects tropicaux de rêve, le voyage des J & J n'est pas une grande vacance ni une échappée hors du monde. Plutôt un travail minutieux, quotidien, répétitif, presque laborieux qui n'enlève rien à la beauté du geste, à l'ambition modeste de nos aventuriers.
Une prouesse sportive et un remarquable exercice de gestion de projet. Chaque jour, prévoir le planning, les parcours, les réserves… Gérer au plus près l'énergie, l'eau, la nourriture, le matériel, le tout dans l'espace restreint de quelques sacoches qu'il faut bien arrimer puis trainer sur des dizaines de kilomètres. Entre trente et cinquante kilos de matériel pour rester autonome.
Même si le but reste la rencontre avec les habitants, il faut pouvoir assurer quoiqu'il arrive. Sous les tropiques, la nuit tombe vers 18h30 ,19h , il faut être installés bien avant. Et lorsque l'on pose pied à terre, tout mettre en place pour le repas, la nuit, le lendemain. Tout en faisant bonne figure avec les autres éventuels !
L'hospitalité est un cadeau magnifique lorsque venus de nulle part nos cyclistes débarquent au coeur d'un village ou d'une vallée. Parfois juste un coin de terre pour planter la tente ou le gîte et le couvert offert de bon coeur.
En contrepartie, se livrer à la curiosité, échanger, bavarder, et se raconter sans relâche, questionner, apprendre, le tout dans une langue étrangère, bien maîtriser certes, mais avec l'effort correspondant. On vous admire pour votre disponibilité sans failles, votre rayonnement invisible et votre volubilité souriante. Recevoir et donner sans efforts apparents, devenir des modèles mémorables pour vos hôtes d'un jour ou d'une nuit.
Texte rédigé par Nadine Bocchietti , qui s'est courageusement joint à notre rythme, sous un soleil brûlant. Merci pour le texte et les coups de pédales!
"La vie, c'est comme la bicyclette, il faut avancer pour ne pas perdre l'équilibre "
Albert Einstein
Hasta luego amigos !
J & J
31 mai - Puerto Colombia , Colombia
À qui la terre?
Le Panama n'offre pas de multiples options en terme de routes pour les cyclistes que nous sommes. La panaméricaine est l'unique voie qui traverse la majorité du pays, d'ouest en est.
Nos quatre premiers jours à sillonner ce nouveau pays furent parsemés de paysages montagneux et de villages peu peuplés, le tout rythmé par une vie campagnarde plutôt tranquille.
Puis, un changement drastique s'effectua à environ 150 kilomètres de la ville de Panama. D'impressionnantes tours d'immeubles d'une trentaine d'étages apparaissent par ci, par-là, sur la côte pacifique. Les divers accès routiers pour atteindre la côte deviennent majoritairement privatisés. A tel point que sur les 100 derniers kilomètres de côte au nord de la capitale ne subsistent que deux plages avec accès public. Désastreux!
Depuis quelques décennies à peine, de riches investisseurs panaméens et étrangers rachètent l'intégralité des terres en bord de mer à des prix dérisoires. Les villageois qui composaient ces villages de pêcheurs se voient, parfois malgré leur volonté, forcés à partir. Dès lors, complexes hôteliers et résidentiels se construisent et se revendent à des sommes faramineuses. Les Panaméens sont délocalisés et dépossédés de leurs terres natales.
Quelques discussions nous permettent de ressentir la frustration et la désolation de certains, conscients de voir leur territoire passer aux mains de quelques-uns. Même si nous savons tous que l'argent est maître, une profonde tristesse nous envahit en constatant ce déracinement du peuple panaméen.
Où se situent les limites du désir de possession et de pouvoir de l'humain ? Patrimoine, traditions et âmes se perdent et se diluent au moment de la vente d'une terre. Toute l'humanité que possède un lieu, une terre, disparaît ainsi au profit du dollar.
"Se a terra é su a mai, como você vai vender su a mai? "
"Si la terre est votre mère, comment pouvez-vous vendre votre mère?"
Proverbe indigène brésilien
J & J
16 mai - San Carlos, Panama
Jour de frontières
Traverser une frontière grâce à la propulsion humaine est empreint d'une signification profonde. Un retour dans les racines du nomadisme ou de tels mouvements étaient partie intégrale de la vie.
L'approche d'une nouvelle frontière génère à chaque occasion une multitude d'émotions. La nostalgie de quitter un pays apprécié se mêle à l'excitation des nouvelles découvertes à venir. Les repères et connaissances acquises sont à nouveau chamboulées. S'étant créer une zone de confort temporaire, dès les premiers instants dans un nouveau pays, l'inconnu redevient notre routine.
Depuis la frontière Mexique-Guatemala, l'Amérique Centrale a été rythmée par de multiples changements de pays.
Zone de transit, de mouvement, de passage, nous apprenons grandement sur un pays lors de ces moments de transition.
Tension, excitaion, agitation ; les zones frontalières sont des lieux effervescents.
À parcourir au fil de nos coups de pédales ces zones migratoires importantes , on se questionne également sur l'existence et l'origine des frontières. Parfois situées dans des endroits insolites et improbables, les frontières sont déterminantes pour chacun des pays. Le vélo nous permet de connaître et d'observer en toute lenteur ces sections intriguantes qui sont bien souvent survoler ou rapidement traverser.
Possédant des passeports canadien et français, nous détenons cette facilité de traverser plutôt aisément les frontières.
Sans surprises, nous constatons que la majorité des populations rencontrées ne bénéficient pas des mêmes privilèges.
Plusieurs habitants ne pouvant même pas accéder au pays voisin.
Toutefois, une forte tendance migratoire est répandue dans tous les pays parcourus depuis le Mexique : celle de rejoindre la fameuse et tant désirée frontière des États-Unis. Et ce, peu importe les sacrifices, le danger, les coûts tant monétaires qu'humains. L'appel du rêve américain poussent des milliers de personnes à tout laisser derrière pour tenter de rejoindre illégalement ce pays.
Malgré ces limites géographiques inventés par l'homme, nous réalisons que la vie dans toute sa splendeur est libre de toutes frontières. Et nous sommes à chaque occasion charmés et émus de retrouver une sincère bonté humaine dans chacun des endroits pédalés depuis les 7 derniers mois.
J & J
4 mai - San Jose, Costa Rica
Eau précieuse et désirée
Parcourir l'Amérique centrale à vélo lors de son mois le plus chaud et sec, avril, n'a fait qu'éléver
notre conscience pour la ressource vitale qu'est l'eau. Réaliser à quel point le manque de cet élément
affecte gravement les populations locales. Vivre ce déficit amène une toute autre perspective.
Depuis la côte du El Salvador, la végétation environnante se dévoile sous des couleurs jaunâtres. Les teintes
de vert deviennent rares et étonnantes à observer. Puits, rivières ainsi que tout étendus d'eau sont totalement
asséchés. La sécheresse est omni-présente et se perçoit dès qu'il y a de la vie. Puisque eau et agriculture fonctionnent
en simbiose, plusieurs paysans se voient contraints à abandonner leurs plantations dû à l'absence d'eau.
Les conséquences de cette sécheresse sont exposées à nous lors de différentes conservations avec les locaux rencontrés.
Bien que le gravité de ce manque se ressent chez plusieurs, l'espoir leur permet de garder le moral et le sourire.
L'espoir du retour de la saison des pluies. Dans certaines régions du El Salvador et de l'Honduras, la pluie est pratiquement
absente depuis 2 ans. Les gens constatent l'intensification des phénomènes de sécheresse ainsi que des changements
climatiques depuis les dernières années.
Et nous voilà sur nos modestes vélos, dépendants de l'eau tel une voiture l'est du carburant. Nous adaptons et
minimisons notre consommation. Et avec toute notre compassion, espérons patiemment avec eux le retour de la pluie.
En plus de son absence, la potabilité de l'eau s'avère un enjeu important. Nous avons eu la chance de visiter un organisme salvadorien nommé CORDES qui oeuvre dans divers programmes de développement rural. Un de leur projet central est celui de la conception de filtres d'eau. Ces filtres sont fabriqués durablement et écologiquement à partir d'argile et d'écailles de riz. Chaque filtre permet de fournir une eau potable aux familles grâce à une durée de vie de 2 ans. Initiative concrète, locale et primordiale pour faciliter à tous l'accès à l'eau potable.
Finalement, après des mois d'attente et un manque d'eau évident, les premières pluies viennent revitaliser cette végétation déshydratée. Les lits de rivières retrouvent petit à petit leurs teintes verdoyantes et la nature respire à nouveau. La vie sans eau n'est que survie, dame nature récompense finalement l'effort de l'attente.
Quel bonheur de voir le retour de cette précieuse ressource!
Pendant que certains dansent sous la pluie, d'autres ne restent que mouillés
J & J
15 avril - Uruapan , El Salvador
Semences sans racines
Nous sillonons les routes vertigineuses du Guatemala depuis près de deux semaines. Une autre journée de vélo se termine et nous commençons notre recherche pour un refuge nocture. À la sortie d'un village, nous aperçevons une enseigne indiquant Jardin expérimental. Intrigués, nous empruntons un chemin de terre qui débouche sur un impressionnant portail clôturant un grand terrain. Les gardiens nous affirment qu'il est impossible de visiter le lieu à cette heure tardive mais que nous pouvons toujours revenir demain. Un terrain boisé, en toute tranquilité, nous sert de camping improvisé pour la nuit.
Déterminés à assouvir notre curiosité, nous retournons dès 8h le lendemain devant l'enceinte de ce fameux jardin.
Les gardiens de sécurité nous prit de leur donner nos passeports, avec lesquels ils reviennent une vingtaine de minutes après.
Vérification identitaire s'impose. Finalement, un homme en charge des visites nous invitent à entrer dans l'enceinte.
Bien vite, nous apprenons et comprenons le mystère entourant ce lieu. Nous sommes sur le terrain de la compagnie Bejo, une entreprise hollandaise de semences. Conceptualisées et fabriquées au Pays-Bas, les semences sont ensuite acheminées dans tous les pays ou il existe un marché potentiel.
Cette section de terre, au milieu de la campagne guatémaltèque, est ainsi leur jardin témoin ou les produits sont testés. En effet, lors de leur arrivée, les semences parviennent sans nom, seulement sous un numéro. Il faut 4 années consécutives
de plantation pour enfin attribuer un nom d'espèce.
On ne peut nier que le jardin est florissant avec tous types de légumes variés. La taille de chaque espèce est impressionnante, ou plutôt questionnable. Comment un radis peut être de la taille d'un pamplemousse? La surdimension et la perfection de ces espèces semblent loin du naturel. Loin de ce que seule la terre peut offrir.
Bien sûr, l'objectif clé de ce jardin étant de montrer le potentiel de leurs produits, des journées portes ouvertes sont organisées. Les deux premières semaines de mars furent dédiées à cette fin. Plus de 1 500 visiteurs par jour, essentiellement des agriculteurs guatémaltèques et latinos, visitèrent le jardin pour admirer la magie des semences Bejo.
Source de vie et d'éternité, des semences naturellement adaptées à chaque terre préservent diversité et authenticité. Conçues en laboratoire européen, testées en sol guatémaltèque puis distribuées dans toute l'Amérique. Voilà ce qui manque gravement à ses semences ; des racines profondes, empreintes d'amour et d'humanité. En cette période printanière annonçant le lancement du potager, réflexions s'imposent sur les racines de chaque achat semencier.
J & J
3 avril 2016- Ciudad Vieja, Guatemala.
Pour un café et un monde meilleur
Arrivés au Guatemala depuis une semaine, nous réalisons que la culture du café est une économie très importante du pays.
Par le fait même, notre première nuit de camping fut sur une finca (ferme) de café.
Après quelques journées à gravir les montagnes volcaniques du pays, nous sommes arrivés hier au Lac Atitlan ou nous avons eu la chance de découvrir une coopérative exemplaire.
La coopérative de café La Voz, située dans le village de San Juan La Laguna, existe depuis maintenant 37 ans. Lors de sa création, en 1979, le conflit armé qui affligeait alors pays affecta le déroulement des activités. Les créateurs et associés de La Voz furent alors victimes de violence et de persécutions de la part de l'armée guatémaltèque. Le déroulement des activités repris progressivement suite à cette menace.
L'objectif principal de cette coopérative consiste à améliorer la vie des petits producteurs de café. Le commerce conventionnel du café inclut plusieurs acteurs intermédiaires, de sa culture jusqu'à son exportation. Dans ce cas, le petit producteur reçoit un infime salaire.
Une coopérative comme La Voz se veut de diminuer la présence de ces intermédiaires pour que chaque producteur membre reçoive un salaire désent et juste pour le travail fourni. Il existe de nombreuses associations similaires en Amérique Latine. La particularité intéressante de celle-ci est sa gestion automnome et indépendante de toutes grandes ONG internationales, assurant ainsi une transparence admisnistrative.
La Voz peut ainsi offrir un travail à 162 personnes du village et de ses environs. Spécialisé dans une production de café 100% organique, les terres cultivées de manière durable permettent de préserver la grande biodiversité de l'environnement local. L'association se développe également dans d'autres secteurs. Des tours à même les plantations de café sont offerts ainsi que des cours d'espagnol ou les participants demeurent avec les familles locales.
Située entre le charme des montagnes volcaniques et la magie du Lac Atitlan, la coopérative de café organique La Voz s'avère une initiative durable qui permet de créer une alliance solidaire entre les consommateurs et les producteurs locaux. Une telle coopérative permet de réaliser l'importance de chacun de nos achats.
Chaque tasse de ce café contribue ainsi à un monde meilleur.
Un infime merci à Andres, le directeur de La Voz, pour sa grande disponibilité lors de notre visite.
J &J
30 mars - San Juan la Laguna, Guatemala
Leçons mexicaines d'humanité
Ces derniers mois, je me suis souvent demandée pourquoi voyager a vélo peut être si intense. En fait, nous devenons des acteurs et non seulement des passagers. Même si nous ne restons que de passage, noud partageons de manière inopinée et spontanée la vie des personnes rencontrées. Et, sans cesse, nous apprenons, et surtout réapprenons.
L'humanisme du peuple mexicain m'a grandement marquée et à maintes reprises, profondément touchée. Les échanges humains sont au centre de la vie. Le mexicain n'a nul doute qu'il est interdépendant des autres.
La vie communautaire s'avère particulièrement importante. Elle débute par l'unité familiale qui est très forte. Les familles nombreuses sont en effet prédominantes. Il va de soit que les maisons multigénérationnelles s'avèrent chose commune. Le cocon familial permet aux individus de développer naturellement une ouverture vers l'autre.
Ainsi, autrui devient facilement accessible, intéressante. Le degré de curiosité des mexicains est fascinant. Gardant les contacts humains tels qu'ils doivent être : simples, vrais, naturels. Le diction Mi casa es su casa découle de ses traits de caractère du peuple. Plusieurs familles nous ont permis de vivre et de ressentir toute la profondeur de ces mots.
Je reviens à mon interrogation initiale sur ce qui rend un voyage de type propulsion humaine si émouvant. En assistant à un mode de vie où l'homme est en connexion constante avec ses pairs en plus d'être en interdépendance avec la terre, il détient l'essentiel pour être bien. Heureux sont ceux qui se régalent d'une existence vécue simplement.
Les habitudes de vie des mexicains de certaines campagnes traversées m'ont donné l'impression de reconnecter avec mes racines. De revivre, l'espace de certains moments, même si dans un autre pays et une époque différente, le mode de vie de mes ancêtres.
Je ressens une sincère gratitude pour chacun des mexicains et mexicaines qui nous ont permis d'apprendre ces. Sans peut-être même réaliser que leurs leçons étaient empreintes d'une inébranlable humanité.
Soyons réalistes : lorsqu'il n'y aura plus de gaz et que nous serons de nouveau à pied, qui osera dire que le cheval est obsolète!
J & J
17 mars- Chiapas, Mexique
Le pélerinage moderne
En 2016, voyager est devenu un commerce florissant. A chaque lieu touristique, une nouvelle attraction, un nouvel attrait pour occuper les voyageurs sur leurs passages. Les tours se partagent la clientèle des hostals et backpaker, et petit à petit, l’initiative de sortir des sentiers touristiques se transforme en autoroute a attraction !
De mon point de vue, le voyage est une absence de planification des lieux visités et surtout la découverte de l’inconnu. Une forme de lâcher prise sur le contrôle de l’espace et du temps qui permet d’être réellement accessible et libre de toute initiative. Le vélo, est un médiateur intéressant pour aller hors des chemins balisés ! Pourquoi ? car le vélo est propulsé par l’unique et infatigable propulsion humaine. Le vélo t’amène ou il te semble bon d’aller. Une forme d’évolution de la marche, mécanisé.
Dans notre idéal à tous, la destination que l’on choisit s’apparente au paradis turquoise, a des montagnes impressionnantes, a de beaux paysages. Avec du recul, la destination n’a que peu d’importance, tant le bonheur de voyager réside dans le chemin parcouru. Cette réflexion m’est venu en réalisant finalement que nous sommes des pèlerins du 21ème siècles.
En décidant, de remplir nos sacoches de vélo du nécessaire pour vivre durant une année sur la route, notre approche est vraiment différente. Les gens que l’on croise nous observes, curieux de savoir que notre choix flirt avec la charité, et la simplicité volontaire. Ces même personnes, modeste, pour la plupart, réalise finalement qu’ils ont beaucoup à partager. Que ce soit un café, une tranche de pain, ou un repas, c’est gens qui participent à notre chemin, sont définitivement le chemin.
Nous avons d’abord ignoré le côté pèlerinage, qui paraissait trop religieux, pour ensuite réaliser que le pèlerinage est spirituel. Nous sommes vulnérables et fragiles, sous nos apparences d’occidentaux sportif et aventurier. Malgré notre débrouillardise et notre volonté de faire le plus possible avec pas grand-chose, l’amabilité et l’hospitalité des gens que l’on rencontre nous est indispensable à la réalisation de notre périple Canada-Argentine à vélo.
Le bonheur est une trajectoire, pas une destination
J & J
1er mars – Ciudad de Oaxaca, Oaxaca
Mauru, le semeur – humaniste Oaxaqueno
Les montagnes de l’état du Oaxaca nous captivaient. Sachant que mollets et jambes seraient fortement sollicités pour arriver à leur sommet, nous avons entrepris cette ascension qui culminait à 2 300 mètres d’altitude, le tout à partir du niveau de la mer.
Arrivés au charmant village de San José del Pacifico, nous étions avides de rencontrer des agriculteurs qui défiait cette géographie ardue et pentue. C’est ainsi que nous atterrissons en collectivo, transport public local, dans le village de San Mateo Rio Honda, établi sur un pan de montagne. Un splendide jardin construit à l’aide de terrasses, avec un homme y travaillant, capte notre attention dès notre arrivée.
Un jeune adolescent nous indique le chemin pour parvenir au potager ou son grand-père est en plein action. Spontanément, comme s’il nous attendait, il commence à nous faire visiter sa parcelle de terre. L’œil pétillant, il nous parle de sa passion pour l’agriculture. De sa passion pour l’acte de semer. Sembrar, dit-il en espagnol. Pour Mauru, un geste qui va au-delà du simple désir de se nourrir. C’est un acte social, symbolique. Conscient de l’appropriation des semences par les grandes multinationales, il lutte pour la préservation des espèces indigènes de la région en récoltant précieusement ses graines.
Grâce à une utilisation efficace de son terrain d’environ 1 hectare, il réussit à faire vivre sa famille, où 3 générations interagissent. La parcelle possède 3 sections distinctes : un verger où le sol est recouvert de fleurs, puis plusieurs terrasses avec une grande variété de légumes, herbes et quelques plantes médicinales et finalement un grand poulailler avec quelques 100 poules, dont son petit-fils est en charge. Les fleurs sont vendues pour des mariages et funérailles ainsi que l’excédent de légumes et la centaine d’œuf qui sont produits quotidiennement.
Il est convaincu qu’avec une volonté de travailler et de semer, tous peuvent vivre paisiblement et librement. Étant des êtres égaux face à la terre, il croit que celle-ci doit être accessible et utilisée par tous. Avec son entrain étonnant pour ses 78 ans, il nous apprend qu’il possède un autre terrain plus loin dans la vallée. Puis, en toute spontanéité, il nous offre la possibilité de s’y installer pour un moment, et d’y cultiver ce dont on a envie. Surpris et touchés par une telle proposition, on ressent toute l’humanité et la bonté que lui apportent sa relation intime avec son environnement.
Nous repartons, humbles, impressionnés. Avec l’image de ce grand homme qui fait rouler ses semences au fond de sa main, tel un fragment de vie, d’infinité. Le mot sembrar vibre et résonne désormais en nous.
”Para que tu juventud florezca lo que tu necesitas es aprender a sembrar”
”Pour que ta jeunesse fleurisse, tu dois apprendre à semer”
J & J
15 février - Acapulco, Guerrero
Les multiples facettes mexicaines
Durant la dernière semaine, nous avons parcouru la côte du Michoacan, un état situé au sud-ouest du Mexique. Cette région est fascinante, peu développée et exploitée par l’industrie touristique. La raison est simple : les terres qui bordent la côte océanique sont les possessions de communautés indigènes. Ainsi, les lois empêchent un développement à outrance. La vente de terres ou de propriétés y est interdite. Le résultat : un paysage harmonieux où l’on ressent que les habitants vivent en interaction avec leur environnement.
Nous avons passé une semaine dans un petit village et avons eu la chance de découvrir le mode de vie de ses habitants. Dans cette région, les plantations de papayes sont prédominantes, puisque chaleur et soleil sont présents à l’année. La terre est tellement fertile que le papayer donne ses premiers fruits après seulement 7 mois ! Les travaux aux champs sont en grande partie fait manuellement, la mécanisation de l’agriculture était quasiment absente. Chaque habitant se débrouille avec son lopin de terre. En plus des papayes qui sont vendues, maïs, légumineuses, cocotiers et quelques animaux servent à nourrir chacune des familles.
Heureux de côtoyer la vie simple de la campagne mexicaine, nous sommes également confrontés à toutes les facettes des habitudes de vie locale. A la fin d’une autre journée sur deux roues, nous arrivons dans un village et décidons de camper sur la plage d’une jolie baie. On remarque immédiatement de grands trous creusés à plusieurs endroits dans le sable. Rencontrant les habitants du coin, on les questionne sur ces derniers.
En effet, cette période de l’année coïncide avec celle de la reproduction des tortues. C’est ainsi que les mères viennent enterrer leurs œufs sur certaines plages, espérant assurer leur progéniture. Voici l’envers de la médaille. Certains locaux, avides et fervents de cette nourriture, récupèrent chaque nuit ces précieux œufs.
Sachant que la collecte d’œufs ainsi que la chasse à la tortue sont interdites au Mexique. Comment réagir devant une telle situation, confronter entre un dilemme de préservation d’une espèce menacée et d’habitudes de vie. Quoique notre opinion sur ce sujet est claire, nous évitons de juger ou de critiquer et essayons de comprendre les diverses facettes de la situation. Suite à notre rencontre avec quelques cueilleurs illégaux d’œufs, nous discutons et échangeons également avec d’autres mexicains qui se battent pour la défense de cette espèce.
Entre préservation, modernité et traditions ancestrales, le voyage à vélo nous permet de découvrir, en toute lenteur, les multiples facettes de ce Mexique si fascinant.
Hasta Luego amigos :)
J & J
4 fevrier , Maruata, Michoacan
JardinTierralegre : Agriculture pour la jeunesse
Nous sommes arrivés dans la petite municipalité de La Manzanilla après quelques belles journées de vélo dominées par une importante chaine de montagnes et plusieurs zones agricoles. C’est ainsi que nous rencontrons Michael, un canadien, qui demeure plusieurs mois chaque année dans ce village. Il œuvre auprès d’une organisation d’agriculture organique dont la mission est d’initier les adolescents du village à diverses activités de jardinage. Génial !
Nous trouvons un campement pour la nuit et nous le retrouvons au jardin dès le lendemain matin. Le lieu est en bordure du village, encerclé d’un dense végétation. Plusieurs techniques de permaculture sont mis en place dans la constitution du jardin. L’espace est divisée par de petites parcelles ayant chacune d’elle un nom. Non pas le nom de l’espèce mais plutôt le nom de l’élève qui s’occupe de la section. Créant ainsi un lien intime, étroit, entre l’élève et son travail de la terre.
Environ 70 élèves se rendent 3 fois par semaine sur le site pour y apprendre, comprendre, expérimenter les diverses facettes du jardinage. Chaque vendredi matin, un groupe d’élèves effectue la récolte des légumes disponibles et se rendent au marché du village pour les vendre. Les fonds sont ensuite divisés entre les familles des élèves participant au projet. Nous assistons à cette heureuse récolte le lendemain.
Avec une impressionnante rigueur et énergie, les élèves cueillent, lavent et préparent de grande quantité de bok-choi, kale et basilic. Nous les accompagnons à leur petit, mais dont populaire, étalage au marché. Leur satisfaction est palpable à chaque vente qu’il effectue. Ils récoltent, satisfaits, le fruit de leurs efforts.
Une organisation qui initie la jeunesse au travail de la terre, le tout d’une façon durable et respectueuse. A voir tous ces sourires sur les visages des élèves, espérons que les villages environnants s’inspireront à leur tour de cette initiative exemplaire.
J & J
23 janvier, Sayulita, Nayarit
Luxuriante campagne mexicaine
Notre première semaine sur la partie continentale du Mexique a été forte en émotions et en couleurs. Ayant terminé notre traversée de la péninsule du Baja, nous avons pris un cargo entre La Paz, au sud, jusqu’à Mazatlán, sur le continent mexicain. Contrastes et dépaysement nous ont pris d’assaut, la mer de Cortez sépare en effet deux entités littéralement opposés.
À peine avons nous quitté la zone urbaine de Mazatlán que la richesse de la végétation nous impressionne. On s’empresse de se diriger vers les routes secondaires, pour leur tranquillité et surtout pour l’authenticité qu’elles renferment. On se retrouve ainsi dans une région où l’agriculture domine. Cultures des plus diverses et variées se succèdent, allant des champs de manguiers, aux plantations de tomates, de piments, de légumineuses, de melon d’eau, de tabac, et j’en passe.
Maints travailleurs et travailleuses sont à l’œuvre dans la plupart des parcelles ; la mécanisation de masse n’ayant toujours pas frappée cette region où la terre est, par endroit, labourée à l’aide de chevaux. Regards intrigués, sifflements, cris et sourires rythment nos coups de pédales.
Notre première ballade sur la section continentale mexicaine s’achève en fin d’après-midi dans la municipalité d’Agua Verde. Puisque routine l’oblige, on se met tranquillement à la recherche d’un terrain où poser bagages pour la nuit. En tant que fidèles cyclistes affamés, on se dirige en priorité à la panaderia locale, soit la boulangerie du coin. Les deux jeunes filles assissent sur la devanture s’empressent de nous questionner. Une dizaine d’enfants se regroupent autour de nos vélos, intrigués par cette visite inédite. La jeune Marisol nous assure qu’on peut venir chez elle pour camper. Habitant juste à côté, sa mère, assise sur le parvis de leur maison, nous sourit en faisant signe de la suivre dans leur cours arrière.
La délégation d’enfants avec quelques femmes du voisinage nous accompagne au pied de cet énorme manguier qui sera notre logis pour cette nuit. Les moindres faits et gestes de Jansen lors de l’assemblage de la tente sont vivement analysés par le groupe d’enfants, tous avides et curieux de nouveauté. Moment unique, délectable. Deux femmes nous prient ensuite de s’assoir et entament diverses prières pour nous bénir dans notre pèlerinage. Peut-être sommes nous, à leurs yeux, des pèlerins sur deux roues ? Pourquoi pas, à vivre de tels moments d’humanité, on se croirait parfois sur un chemin sacré.
Les odeurs de nourriture nous réveillent tôt le lendemain. Rosa est déjà en action dans la cuisine. Marisol file sur son vélo acheter des spécialités locales aux vendeurs de rues. Latole, soupe nourrissante à base de maïs, et les gorditas, galettes frites de maïs, servent à entamer copieusement le déjeuner. Poissons frits, frijoles, salsa et tortillas composent le plat principal, de quoi nous carburer pour la journée entière. Les gens du voisinage nous informent qu’on peut emprunter un raccourci pour poursuivre notre route vers le sud.
Notre famille hôte et quelques voisins nous dirige sur une route de terre jusqu’à une rivière. Nous prenons alors une panga, petit bateau style pirogue, qui nous permet de traverser et de poursuivre vers d’autres villages typiques de la région du Sinaloa. Au fil de nos coups de pédales, les silhouettes de ces grandes âmes disparaissent. Ah, ces fameux adieux !
Agua Verde, ce simple point inconnu sur une carte qui, désormais, nous rappellera des souvenirs impérissables.
J & J
8 janvier , Loreto, Sud Baja
Noël et Nouvel An mexico-québéco
Nous poursuivons activement notre périple mexicain depuis les 3 dernières semaines. Le pays nous dévoile peu à peu ses beautés et secrets cachés.Nous apprenons à connaître sa population et la culture, propre à cette péninsule si particulière, celle du Baja California.
Nous avons eu la chance de passer la période de Noël avec l’oncle de Justine, Alain L’Heureux, qui nous a gentiment accueilli à sa maison au sud de San Felipe, sur le Campo Sahuaro. Ce fut une occasion parfaite pour prendre un premier repos en famille après nos deux mois et demi sur la route.
Le jour de Noël s’est déroulé avec une excursion en plein désert, à la découverte de forêts de cactus, dont les magnifiques cardons qui atteignaient une vingtaine de mètres!
Se retrouver éloignés et isolés dans un environnement désertique comme celui-ci nous permet de constater toute la richesse de l’endroit. Tout change, tout est en évolution : la végétation, les rochers, les montagnes, la faune…
On pourrait croire que le désert est monotone, c’est en effet le pur contraire. Sa beauté est mystique. Avec si peu de précipitations annuelles, chaque organisme vivant déploie une puissance incompréhensible et une vitalité surprenante.
Après ce répit bien mérité, on remonte sur les vélos direction Puertocito, plein sud en longeant la mer de Cortez. Route pratiquement déserte, petits villages peu peuplés, côte rocailleuse et montagnes escarpées rythment nos journées.
Campement en plein désert avec feu de soirée où le bois ultra sec ne manque jamais. Une section de route de terre de 35 kilomètres nous amène un autre défi, avec une moyenne de 7 km/h et des dizaines de rochers et caillasses entre lesquelles nous zigzaguons, une progression lente est de mise. Nous faisons une halte pour la nuit au très connu Coco’s Corner, l’unique arrêt possible en plein désert. Un personnage attachant, sympathique qui nous invite à rester pour la nuit dans un petit camper, nous permet d’être au chaud dans ce désert qui devient bien frisquet dès la tombée du soleil.
Cinq longues journées de vélo dans une des sections les plus désertes et peu peuplée de cette péninsule nous amène à la veille du jour de l’an à Guerrero Negro, en plein milieu du Baja, aux portes de la section Sud.
Et puis un hasard miraculeux nous arrive. Un couple de Québécois s’arrête en pick-up à notre côté nous demandant si nous connaissons une certaine Claudia Rousseau. Bien sûr! Nous voici en compagnie de Karine et Pierre-Étienne. Excitation et connexion québécoise instantanée. Il nous invite à dormir dans leur camper. Nous partageons un succulent repas de fruits de mer et de poissons pour célébrer ce nouvel an !
Le lendemain, ils nous invitent à les suivre sur un campo isolé, à 80 km de l’autoroute principale, tout près du Pacifique et en bordure d’un sublime estuaire reconnu pour sa diversité et quantité impressionnante de poissons ! Un lieu où la faune aquatique vient se reproduire et se reposer des tumultes de l’océan.
Les deux journées qui suivent se passent sur leur bateau, à découvrir, à pêcher, à se balader au travers de la multitude de dauphins qui se sentent bien à l’aise de suivre le rythme du bateau. Bref, les amigos nous offrent une opportunité inespérée, et nous reçoivent tel des membres de leur famille. Pur bonheur, du gros fun! Ils nous accompagnent pour le début de notre ride matinal d’hier, juste avant que Pierrot ait refait une beauté mécanique à nos vélos et que Karine nous ait cuisiné de délicieux french toasts. ! Wow, muchas Gracias!
À tous nos lecteurs, merci de nous suivre et on vous souhaite une BONNE ANNÉE!!!
FELIZ ANO NUEVO!!!! J
23 décembre – San Felipe , Mexico
À la découverte des routes de terre du Baja
Ayant circuler depuis 2 mois sur les routes des États-Unis, nous étions très excités et avides d’arriver en terre mexicaine.
Nos 4 premiers jours se sont très bien déroulés. Cheminant progressivement sur la côte ouest du Baja, nous avons quitté les agglomérations urbaines à proximité de la zone frontalière pour se retrouver dès notre deuxième journée dans les espaces rurales. Le contact avec les habitants est facile, simple, agréable. Ils sont à la fois curieux et intrigués de croiser ses voyageurs à vélo. Nous discutons et échangeons le plus possible, toujours fascinés de comprendre les réalités des endroits traversés.
Ayant comme objectif de se rendre à la maison de mon oncle Alain, on se rend compte qu’il demeure de l’autre côté du Baja, soit à l’est, en bordure de la mer de Cortès. Pas de problèmes, on doit seulement trouver une route praticable qui traverse la Sierra, la chaîne de montagnes qui sépare sur toute la longueur la péninsule du Baja California. Une carte nous permet de situer un chemin à une quinzaine de kilomètres au Sud de notre localisation, la petite ville de San Vicente. Le tour est joué, il ne nous reste plus qu’à s’y aventurer. Toutefois, les locaux nous préviennent que cette route est en effet un chemin de terre, très peu fréquenté avec rien sur notre passage pour les 65 kilomètres qui nous sépare de la prochaine agglomération. Réserve d’eau et de nourriture en quantité suffisante, on s’aventure sur ce chemin de terre en début d’après-midi, après avoir pris un mauvais chemin, et s’être égaré durant à peine deux heures. Ca sent l’aventure!
Je me rappelle ce que mon amie et ancienne coéquipière de sport, Clara Hughes, m’avait recommandée après son expérience à vélo dans cette région. À chaque fois que tu vois un chemin de terre, emprunte-le sans hésiter. Il est vrai que ces routes, encore préservées de l’achalandage amenée par les routes asphaltées, préservent le cachet et le réel caractère des lieux. Et c’est parti ! Quelques ranchos se succèdent durant les premières trente minutes de vélo. Puis, l’immensité du Baja se dévoile peu à peu dans toute sa splendeur. Les montagnes se dessinent devant nous avec une végétation aride en creux de vallée. Les couleurs du coucher du soleil font ressortir les reflets orangés de la terre. Nous avançons très lentement, le chemin sableux, rocheux nous permettant d’atteindre à peine 9 km/h. Les grands espaces désertiques pour planter la tente pour le nuit ne manque pas. Toutefois, on est surpris de voir un homme seul en bordure d’une modeste habitation. On va spontanément à sa rencontre et lui demande si c’est possible de camper sur son terrain. Bien sûr, avec plaisir! On découvre que notre hôte Pedro est un gardien d’eau! En effet, nous sommes sur une espace où se trouve une station de pompage d’eau souterraine, avec 3 puits situés dans les environs. Pedro habite seul sur ce campement au beau milieu de ce grand espace pour surveiller cette station. Quel rôle inédit dans ce lieu désertique où cette ressource est doublement précieuse !
Nous sommes couverts par un ciel parfaitement étoilé et bercés par une tranquillité désertique dans les profondeurs du Baja. Quelle chance de se retrouver ici, l’aventure mexicaine débute réellement sur ce chemin de terre.
7 décembre – El Segundo, LA, Californie
Le trésor caché de Bolinas
Après notre passage à Heartwood, grâce aux conseils et suggestions du groupe d’apprentis ainsi que des 2 professeurs, nous avons pris connaissance de plusieurs sites pratiquant la permaculture en Californie. Nous prenons ainsi la direction de Bolinas, pour découvrir une organisation inspirante. La Regenerative Design Institute (R.D.I) est situé dans une vallée débouchant sur l’océan, à l’intérieur du Parc National de Point Reyes. Nous arrivons en fin d’après-midi suite à quelques erreurs de direction. En effet, la ville n’a pas de panneau de signalisation à l’entrée depuis des années et quand le county décide d’en remettre un, il disparait dans la nuit suivante ! Cela attire déjà notre attention sur l’ambiance qui règne sur cette petite communauté qui a été marquée par le mouvement ``Back to the Land``.
Dès notre arrivée, James et John nous accueillent gentiment, curieux par ces visiteurs à deux roues. Ils sont assez occupés par l’évènement qui aura lieu en fin de semaine. James, co-directeur de l’institut, nous convie à rester pour l’atelier du samedi, où 40 participants passeront la journée complète sur le site. Il nous présente leur programme annuel qui est échelonné par thème. Chaque thème est développé un samedi par mois et ce, sur une période d’un an. Cette méthode permet aux élèves de traiter de manière digeste toutes les informations qu’ils étudient durant les cours. Le lendemain matin, John nous accueille avec rien de moins qu’un délicieux déjeuner avec des French Toast et confiture maison. Nous partageons quelques heures de travaux au jardin en disposant entre les allées du potager des déchets verts broyés qui sont gratuitement distribués par les paysagistes des environs. Cette méthode de couverture permet une meilleure rétention d’eau du sol et favorise la culture. Nous profitons de l’après-midi pour visiter le petit village de Bolinas, et ses alentours. Nous terminons la journée avec un coucher de soleil juste incroyable face à l’océan avec des couleurs qui jusqu’ici n’avaient jamais été aussi intenses.
Après une belle nuit de récupération, nous nous levons en même temps que l’arrivée des premiers élèves. L’ambiance est conviviale. Penny, la directrice du centre, entame la matinée avec un éveil vocal pour le groupe, ce qui donne un champ harmonieux et une forme de communion les uns avec les autres. Ensuite, la classe se déroule dans une yourte, avec trois professeurs qui dissertent sur l’importance de la gestion de l’eau. Penny fait un discours énergique sur le management de cette précieuse ressource et sur les différents moyens de retenir et de récupérer celle-ci. Elle est une excellente oratrice et arrive à capter l’attention du groupe avec un sens de l’humour décapant. La pause du midi est rythmée par un pot luck, où tous ont concocté un plat pour le groupe. Le buffet est coloré et varié. On peut voir l’intérêt que tous portent à l’égard des ingrédients et de la nourriture santé. L’après-midi, on se retrousse les manches. C’est le moment de mettre en pratique la théorie du matin. Les 40 élèves se dispersent en une dizaine d’équipe. Les activités sont réparties en 3 modules : creuser et aménager une tranchée qui permettra la retenue et l’irrigation de l’eau de pluie en provenance de la colline ; mettre en place une fontaine qui va permettre l’oxygénation d’un petit étang ; apprendre à récupérer de manière intelligente l’eau de pluie. Quelle journée intense en apprentissage, tant théorique que pratique, ainsi qu’en rencontres diverses et intéressantes !
C’est déjà le moment de quitter Bolinas, car la route nous appelle pour de nouvelles aventures. Nous reprenons nos montures avec un pincement au cœur tant l’accueil a été chaleureux. Merci James, John, Penny et Perry pour la belle fin de semaine que nous avons partagée. Votre passion, dévouement et activisme nous inspirent à poursuivre activement notre projet.
J & J
Be the change you want to see in the world
27 novembre - Marina, California
Une générosité inespérée
La dernière semaine fut une des plus intenses jusqu’à maintenant. Intense humainement. Nous avons été les participants d’une chaîne de solidarité et de générosité incomparable.
Cette vague de bonté débuta sur un banc public, en face d’une librairie fermée, dans le petit village de Point Reyes, situé à quelques 60 kilomètres au nord de San Francisco. Une dame nous demande quelle est notre destination pour cette fin de journée. Lui disant que nous désirons se rendre à Bolinas sur un centre de permaculture, elle se porte responsable, spontanément, de nous trouver un lieu où passer la nuit. Skyler, toute pétillante et pimpante malgré son âge avancé, nous confirme, quelques coups de téléphone plus tard, que son fils peut nous accueillir pour la nuit. Inédit ! Nous arrivons ainsi chez James à Stinson, avec qui nous passons une agréable soirée à discuter et échanger.
Le lendemain, direction Bolinas, pour découvrir une organisation inspirante, le Regenerative Design Institute, qui est située dans une vallée, à l’intérieur du Parc National de Point Reyes. Apprentissages, rencontres, échanges, nous avons partagés 3 journées intenses au sein de cette communauté unique (À lire dans le prochain article sur le Centre permaculture de Bolinas – RDI)
Nous quittons le charmant village de Bolinas pour se diriger vers le State Park situé juste avant le Golden Gate Bridge. Le destin nous amène à rencontrer sur la piste cyclable de Sausolito, en toute fin de journée, Giuseppe et Gray, tous deux de retour d’une ballade en vélo de montagne. Étant situé au bord d’une baie, il existe dans cette ville quelques quartiers originaux de maisons sur l’eau. Giuseppe nous invite à prendre un verre chez lui. Quel charme et créativité renferment son bâteau-maison. Et voilà que le verre de vin se transforme en bouteille, puis en un délicieux repas. Il ne nous reste plus qu’à s’endormir dans le douillet lit situé dans la coque avant du bâteau, bercés tels des bébés loutres au rythme des vagues.
On quitte cet univers féérique et intemporel pour attaquer la traversée du fameux pont d’or et parcourir la ville du nord au sud pour se rendre à Palo Alto, où une amie de longue date nous accueille. Quel plaisir de revoir Shannon après 4 ans, épanouie dans son nouvel environnement californien. Nous partons en trio, tôt le lendemain, pour la grande ville, elle pour travailler, nous pour faire les touristes. Après quelques heures de ballades, nous croisons un franco-américain dans le charmant quartier de North Beach, situé en contre-haut de la fameuse prison d’Alcatraz. Sans hésiter, il nous invite chez-lui. Qui a dit que le contact humain était plus difficile en ville? Ces dernières expériences nous ont prouvé tout le contraire. Après un copieux dîner, on redémarre de plus bel avec Chris qui s’improvise guide pour nous faire découvrir les attraits de son quartier. La journée se termine en compagnie de Shannon à savourer des tacos, quoi espérer de mieux.
Hypnotisés par cette vague de bonté, nous quittons Palo Alto pour se diriger plein sud, de retour sur la Highway 1. Nous terminons notre journée dans le State Park de Capitola. N’ayant à peine le temps de poser bagages, un sympathique couple nous avise de se dépêcher puisque leur repas complet de Thanksgiving est encore chaud et prêt à être déguster. Quoi!? On ne se fait pas prier deux fois! Et nous voilà entourés de la famille Ringer-Grewe et amis, à partager le plat typique, dinde et tous ses à-côtés, de l’action de grâce américaine.
Nous reprenons la route, énergisés par tous ces derniers accueils grandioses. La randonnée quotidienne s’avère quelque peu monotone. La majorité du trajet est ponctué d’immenses champs cultivés en monoculture, le tout géré par le géant des fruits et légumes, Dole. On termine notre journée à Marina, où nous trouvons un lieu tranquille pour camper. Puisqu’il y a quelques hôtels à proximité, on prend la chance de demander à l’un d’eux s’il a un tarif spécial uniquement pour les douches. La dame nous répond négativement, mais nous demande tout de même de patienter. Elle nous tend, le plus simplement du monde, une carte de chambre et nous invite à s’y installer pour la nuit! Et n’oublier pas, nous dit la charmante Teresa, le déjeuner sera servi demain jusqu’à 10 h du matin. Nous vous écrivons en direct de cette chambre douillette offerte.
Nous sommes sans mots, émus par cette vague incessante de générosité. Rencontrer chacune de ses personnes donne réellement espoir en l’humanité.
MERCI du fond du cœur!
J & J
17 novembre - Harmony Lane, Humbold County , Californie
Majestueux Heartwood
La magie devait opérer pour que nous découvrions Heartwood. C’est ainsi que nous nous retrouvons sur l’escarpée route de 30 kilomètres qui s’élève dans les montagnes à l’intérieur du county de Humbolt, une région au nord de la Californie. Cette route étant isolée et impraticable à vélo, l’amabilité des locaux nous a permis de s’y rendre. Une atmosphère calme et sereine nous gagne dès que nous arrivons dans l’enceinte de Heartwood. La géographie exceptionellle joue un rôle central dans le magnétisme des lieux. Immédiatement, on s’y sent bien. Le centre est érigé sur un flanc de montagne qui apparaît tel un promontoire, encerclé à 360 degrés par les montagnes environnantes. Le tout surplombant une vallée en contre-bas. Chevreuils, cochons et dindons sauvages se baladent librement. Harmonieux Heartwood.
Étant dimanche, l’activité des lieux est quelque peu réduite et le programme hebdomadaire habituelle reprendra demain. À notre heureuse surprise, le directeur, Jim King, avec qui nous avions communiqué ultérieurement, nous accueille et nous offre une généreuse visite des lieux. Il nous apprend la vocation initiale du centre soit un institut de massage et de bien-être lors de sa création dans les années 1980. Plusieurs bâtiments furent construits grâce à des matériaux et techniques durables et écologiques. La cuisine propose un menu végétarien, élaborés avec des aliments exclusivement organiques. Depuis la dernière décennie, Heartwood s’est reconvertie dans trois volets : soit la permaculture, la cuisine et les arts. Le premier domaine étant notre principal intérêt, on se joint aux quatre apprentis et aux deux professeurs dès le lendemain.
Eden et Lauren, les deux professeurs en charge de la permaculture, nous accueille à bras ouverts. Le potentiel infini de ce territoire permet à chaque apprentis de travailler sur un projet qui le passionne. Par exemple, Jonh se concentre sur la culture de champignons et Dylan sur la restructuration du verger. De plus, tous travaillent en équipe sur les sections communautaires, tel l’impressionnant jardin, le poulailler, le compost, la création du sanctuaire botanique. Chaque membre est amené à partager ses intentions, ses sentiments, ses désirs. On ressent la passion commune de ces individus engagés et conscientisés : se donner entièrement pour créer une relation de symbiose avec la terre. Un groupe inspirante à côtoyer.
L’énergie du groupe est transcendante lorsque tous sont connectés à une terre commune. Défrichage de parcelles, élagage d’arbres fruitiers, délimitation d’une future clôture jusqu’à la récolte des tomates vertes à la tombée de la nuit. Croyez-moi, on ne peut pas s’ennuyer avec l’énergétique groupe de permaculture d’Heartwood!
Eden nous offre des semences de trois variétés provenant du jardin, ce qui constitue le début de notre banque de semences. On repart avec citrouille, kale, poivrons. Et surtout, avec la passion, l’expérience, le savoir, les rêves de ces gens qui donne un sens à ce lieu. La magie de Heartwood a opérée en nous. Accueils, sourires, discussions, échanges, partages, chaque personne unique rencontrée à Heartwood nous a spontanément ouverts cœur et âme. Nous en sommes profondément reconnaissants.
Ivres de ce concentré de beauté et de bonheur, nous sommes raccompagnés par le sympathique Jimmy jusqu’au bas de la montagne.
À toute la communauté Heartwood, merci pour ce généreux partage. Vous avez semer en nous votre passion!
17 novembre - Crescent City, California
La côte verte
Après 4 semaines sur la route, et déjà 2 états américain traversé, 1 constatation est évidente :
La vague écologiste a une forte influence sur la côte ouest des États-Unis. On peut voir que dans une grande partie des quartiers et petites villes traversées, les gazons ne ressemblent pas à un green de golf et des petites green-house (serres) sont parsemées par-ci par-là ! Les initiatives écologiques sont évidentes que ce soit dans les restos qui pour certains ne proposent plus de gobelet à emporter mais de petits pots mason ou mug à 1 dollar qui pourront être ensuite réutilisés. Des jardins communautaires sont dissimulés sur le bord de la route et on peut voir que la population est conscientisée sur l’importance de prendre soin des espaces adaptés à la culture potagère. De plus, le climat océanique propice à la culture tardive rend le jardin accessible et productif à l’année. Cette dynamique est propulsée par l’omniprésence de la faune et la flore à l’état sauvage et donc cette profonde envie de protéger ce qui n’a pas été coupé par l’industrie forestière et par l’activité humaine en général. En effet, la côte a été très sollicitée par les compagnies forestières durant les 2 derniers siècles et son exploitation commence seulement à décliner. Enfin, le changement climatique est évident dans cette partie du globe avec des phénomènes comme El Nino, on peut voir la population contrainte par une géologie capricieuse, prendre un virage vert. Une chose est certaine, c’est que nous sommes loin de l’American way of life et de ces clichés véhiculés à travers le monde.
"Grow the Revolution!"
J & J
4 novembre
La vie sur deux roues
Vivre sur son vélo semble une notion étrange. Pourtant, c’est ce que nous avons entrepris depuis une dizaine de jours. Une adaptation s’impose. Les repères liés à notre confort habituel sont constamment bousculés. Ta tente devient ta maison, ton sac de couchage se transforme en chambre à coucher et la parcelle de terre sélectionnée à chaque fin de journée devient ton lieu de vie temporaire. C’est tout simplement fantastique. Parfois déroutant, surprenant, fatiguant, mais à coup sûr fascinant.
Nous avons entamé nos premiers coups de pédales le 15 octobre à partir de Vancouver. Après avoir laissé la frontière canadienne, déjà, nous laissons un premier état américain derrière nous. Celui de Washington ou le dénommé « Evergreen State ». Il porte très bien son nom, avec ses immenses forêts humides bordées par la Pacifique. Un réseau infini de baies, canaux et d’îles se regroupe dans les régions du nord. Ces conditions réunies sont propices à une faune et une flore riches et diversifiées, attirant ainsi une impressionnante vie aquatique. Les saumons du pacifique, les lions de mer et les otaries, pour ne nommer que ceux-ci, font partie intégrante du paysage.
Une semaine à côtoyer cet environnement nous laisse une agréable impression. Vues de notre monture, ses routes sinueuses sont plus qu’inspirantes pour les cyclistes qui s’y attèlent. Jour après jour, notre condition de nomades nous amènent à adapter différemment notre quotidien. Étant constamment à l’extérieur, nous devenons interdépendants avec les éléments. Chaque matin se rythme avec la préparation d’un déjeuner énergétique et efficace, l’analyse de la carte, le lever du campement, vérification mécanique. Sans oublier de prévoir les repas qui suivront, et de savoir en tout temps les réserves qu’on possède. Tout réside dans les détails, tous nos gestes sont infimes, précis, détaillés.
Bien sûr, nous ne passons pas inaperçus et les gens sont intrigués par notre objectif. À bicyclette, la question qui revient sans cesse est celle de ta destination. Étant actuellement dans le nord-ouest des États-Unis, notre réponse, l’Argentine, suscitent maintes réactions proportionnelles à ce but. Nous restons concentrés sur le chemin à parcourir et non sur la destination finale. Chaque instant est une invitation à la découverte et à la contemplation. En effet, chaque coup de pédales t’amène dans le moment présent. Vivre aujourd’hui et non espérer demain.
*Chaque journée est une nouvelle aventure lorsque l’inconnu est ton destin*
J & J
L'apprentissage sur les routes de Washington
25 octobre – Lincoln City, Oregon
Déjà 10 jours que nous vivons sur nos bicyclettes, et les péripéties s’accumulent de jour en jour. Nous avons passé une semaine dans l’État de Washington à admirer cette nature encore préservée et abondante. Les leçons tirées de ces derniers jours furent nombreuses, voici ces précieux apprentissages :
1 : Ne jamais rien laisser sur ton lieu de camping au moment d’aller dormir.
Un instant de négligence et de fatigue avant d’aller s’assoupir nous a coûté une bataille contre ces petites bêtes qui se sont tant familiarisés à l’humain. Une bande de ratons laveurs nous a dérobé notre réserve de sucre, de graines de chanvre et de mélange de noix. Ils nous ont démunis de notre carburant du lendemain. Mais ne jamais oublier que nous ne sommes que des étrangers sur leur territoire.
2 : Quand un sans-abri te dit que le camping est interdit dans un parc municipal, crois-le !
Nous terminons notre journée à la tombée du jour et de ce fait sommes contraints de planter la tente au parc municipal du centre-ville de Oak Harbour. Erreur! En effet, à 11 h du soir nous sommes réveillés par quatre agents de police, plutôt surpris de notre présence. Après une courte explication de notre mésaventure, ils nous délocalisent à quelques centaines de mètres à un endroit près de la baie où le bivouac d’une nuit est autorisé. En fin de compte, ils ne sont pas si méchants qu’on pourrait le prétendre.
3 : Ne surtout pas brûler de feu rouge sur ta bicyclette aux États-Unis
Quand Jans impose un bon rythme et daigne de sauter un feu de circulation… ne pas le suivre à tout prix. Coup de sirène, un policier nous arrête apparaissant de nulle part pour nous prendre en pleine infraction! C’est la loi, c’est comme ça. Seulement, lorsque monsieur l’agent nous demande notre nationalité, canadien et français, il répond qu’étant étrangers, l’interprétation de la loi doit être différente dans notre pays. Ceci justifie cela, nous sommes libres (ahah) Leur amabilité nous surprend une fois de plus.
L’Evergreen State (Washington) porte bien son nom. Sous sa couverture verdoyante, sa population tournée vers la nature nous a semblée accueillante, ouverte et une fois de plus, unique en son genre dans cet immense pays.
Cap vers l’Oregon, où les montées sont déjà à la hauteur de ces nobles pins et cèdres. À suivre sur la selle…!
Premiers coups de pédales
15 octobre – Larrabee National Park , Washington State
Nous y sommes, ce premier coucher de soleil. Un paysage splendide, bord d’océan orangé et rosé, fait office de notre salon pour ce soir. Cette vue est notre TV pour ce soir, comme dirait un ami rencontré en Indonésie : Ocean TV! Tout ce qu’il y a de plus magique, dans une simplicité déroutante. Journée forte en émotions et en variétés. Chaque kilomètre partagé décelait son instant de pure beauté. Escortés majestueusement par notre chère amie Joanie et son compatriote Dave, the english biker, nous avons quittés Fort Langley avec un léger froid et un doux brouillard ambiant que notre motivation de groupe a très vite percé. Nous sommes tous sur un nuage, libres, légers et enthousiastes, pour la trentaine de borne qui nous séparent de notre première frontière. Le moment des adieux arrive, Joanie et Dave doivent rebrousser chemin et nous laisser filer. Merci pour tes conseils, ton accueil, ton aide, ce fut un immense plaisir de partager ton nouveau chez toi de Fort Langley!
Le passage en terre étasunienne se fait sans accroche, avec un regard surpris et douteux du douanier qui tente de revoir sa géographie lorsqu’on lui dit notre destination : Argentina… Un rêve éloigné qui se rapprochera à chaque coup de pédale. Une plaine aux allures fertiles et aux teintes verdoyantes s’étend devant nous en laissant transparaître le sommet enneigé du Mont Baker. Direction : plein Sud, le Mont Baker À l’Est et l’océan qui semble tout près. La charmante ville de Bellingham nous offre une superbe vue en bord d’océan. Nous entamons une lente progression puisque les distractions sont nombreuses, fascinantes. On n’hésite pas à poser le pied au sol, pour un instant, une discussion, une photo, un réglage des engins. On attaque la sinueuse, mais oh tant majestueuse route 11, qui serpente aisément entre côte rocheuse, océan et forêt humide aux conifères d’une taille peu commune. Le Larrabee National Park nous accueille pour cette première nuit du duo Sème en Selle. Calme, nature, coucher de soleil hallucinant et repas réconfortant pour cette entrée à l’intérieur du Evergreen State! J
Le jour J
10 octobre - Vancouver, B-C
Le moment tant attendu où tous tes sens sont en éveil. Le moment est venu, cet instant tant rêvé, imaginé, visualisé. Il est là, enfin arrivé à nous après plusieurs semaines de préparatifs. Mais, il reste toujours cette impression d’oublier quelque chose dernière, de laisser un détail crucial de côté. Devant cet instant d’hésitation, on se rappelle que nous avons l’essentiel pour accomplir notre périple : une volonté sans limite et sans frontière.
Nous sommes à l’aube d’accomplir le plus grand périple de notre courte vie. L’objectif de cette aventure humaine est de parcourir à vélo la distance qui sépare Vancouver, en Colombie-Britannique à Ushuaïa, en Argentine, l’extrême pointe sud du continent américain.
Se préparer pour une aventure de ce genre révèle plusieurs défis. L’essentiel consiste à clairement déterminer nos besoins. Puisque chaque objet, chaque gramme embarqué sur nos montures seront transportés grâce à notre propre force. Nous devons assouvir nos besoins vitaux, soit se vêtir, se loger et se nourrir. Puis, réunir ces trois besoins à l’intérieur de sacoches accrochées sur nos vélos. Le vrai défi réside à se départir du superficiel et de se concentrer sur l’essentiel.
Nous écrivons en direct de Vancouver, où une amie cycliste professionnelle nous accueille avant notre départ, ce jeudi 15 octobre. Elle ne conçoit pas à quel point nos vélos sont lourdement chargés. À nos yeux, nous avons minutieusement sélectionner le strict minimum pour vivre modestement au cours de la prochaine année. Tout est relatif. Il existe une multitude de façon de pratiquer le vélo. Nous ne sommes pas sur une ligne de départ où la puissance prime mais plutôt sur une longue route inconnue où les détours interminables mettront notre patience et notre endurance à rude épreuve.
Sème en Selle, l’intitulé de notre projet, parle de lui-même. Semer un mode de pensée où la Terre et l’Homme sont au centre de la vie. Notre but est de créer une chaîne de solidarité à travers le continent américain et de mettre en avant les acteurs défenseurs de l’environnement et de l’agriculture respectueuse. Le voyage à vélo s’avère un moyen inédit d’entrer simplement et humblement en contact avec les populations rencontrées.
Partir ainsi à l’aventure signifie également laisser derrière tous les gens qui nous sont chers. Nous avons eu droit à une chaîne interminable d’amour, de support et d’encouragement, du Québec, de la France, en passant par les Rocheuses canadiennes jusqu’à Vancouver. Sincèrement merci à tous ceux qui ont contribué à ces préparatifs. Notre Jour J est enfin arrivé. Nous sommes prêts à ouvrir grand nos yeux et nos cœurs pour cette aventure humaine sur deux roues.